Dans une interview fleuve accordée à l’hebdomadaire Jeune Afrique cette semaine, le Président du RPM, Alexandre Barro Chambrier a usé d’une technique que les plus doués en politique connaissent bien, celle de ne pas se prononcer sur sa probable candidature à l’élection présidentielle de 2023, alors que dans son entourage il n’arrête pas de dire qu’il sera bel et bien le candidat de l’opposition gabonaise. Jugé prétentieux par la plupart de ses camarades de l’opposition gabonaise, Alexandre Barro Chambrier semble déjà mal parti pour ce scrutin où il a menacé qu’il《 fera ce qui n’a jamais été fait au Gabon en cas de défaite 》.
Comment espérer se faire élire président de la République quand on a été incapable de se faire réélire député, qui plus est dans son fief familial ?
A cette question, pour le moins gênante, Alexandre Barro Chambrier espère avoir trouvé la parade. Dans une interview à Jeune Afrique, il explique sa défaite lors du second tour des élections législatives de 2018 dans le 4ème arrondissement de Libreville par… la fraude !« La fraude, j’en ai moi-même été victime lors des dernières législatives », a-t-il répondu.
Un élément de reponse qui a tout de suite fait sourire dans les rangs du PDG. « La ficelle est un peu grosse mais c’est toujours à elle qu’on recourt quand on est à court d’arguments », sourie un responsable du parti majoritaire dans la capitale. « C’est tout de même étrange d’évoquer la fraude aujourd’hui et de ne pas l’avoir fait en 2018. Il aurait pu introduire un recours. Mais non, quatre ans après, il préfère venir pleurer dans les médias », déplore-t-il.
Les questions qui fâchent…!
Autre question dérangeante pour le président du RPM : la division de l’opposition. Ici aussi, Barro Chambrier tente d’éviter l’obstacle à travers une pirouette. « L’opposition doit-elle désigner un candidat unique au premier tour, pour l’emporter contre Ali Bongo Ondimba s’il est candidat ? », demande Jeune Afrique. « Bien entendu, l’unité est fondamentale », commence par dire Barro Chambrier. Mais « Plutôt que de désigner un candidat unique, il s’agira de créer des synergies autour d’un homme ou d’une femme qui aura su cristalliser l’espérance du peuple gabonais. » Et le président du RPM d’espérer que « le moment venu, le peuple saura identifier le bon berger ».
« Dans la langue anglaise, on appelle cela du wishful thinking (que l’on peut traduire par ‘vœu pieu’ ou ‘pensée magique’, NDLR) », raille un dirigeant national du PDG… qui n’a pas tout à fait tort. Si Alexandre Barro Chambrier prend grand soin d’éviter la question, c’est parce qu’il sait que non seulement l’unité de l’opposition est impossible, mais qu’elle ne peut a fortiori se faire sur son nom.
« M. Barro Chambrier a tenté de sonder ces derniers mois les principaux acteurs de l’opposition comme Jean Ping ou Paulette Missambo. Mais sa main tendue s’est heurtée à une fin de non-recevoir catégorique. Ces personnalités ne veulent tout simplement pas en entendre parler », rappelle un professeur en science politique de l’UOB, qui explique : « Cela tient en partie à sa personnalité, qui n’est pas consensuelle au sein de l’opposition. Mais également à son potentiel politique. Le RPM est un jeune parti avec une faible assise nationale. Il ne compte d’ailleurs que six députés à l’Assemblée nationale », souligne l’universitaire.
Mauvais tempo !
D’ailleurs, c’est moins au PDG que l’interview de Barro Chambrier fait tiquer que dans les rangs de l’opposition, en particulier chez les Démocrates. « Le moment est particulièrement mal choisi. Donner une telle interview alors que notre président (Guy Nzouba-Ndama, NDLR) fait face à des difficultés (il est inculpé pour transport illicite d’1,19 milliards de FCFA en liquide en provenance du Congo-Brazzaville, NDLR), c’est au mieux maladroit, au pire inélégant. Le moment venu, nous nous en souviendrons », cingle un député Les Démocrates, premier groupe d’opposition représenté à l’Assemblée nationale.
Plus fort et plus soudé qu’auparavant, il est plus qu’évident que le Parti Démocratique Gabonais remporte la présidentielle de 2023 face à une opposition totalement émiettée.