Devenu au fil du temps un des plus virulents contempteurs du pouvoir après l’avoir lui-même exercé plusieurs décennies durant, l’ancien maire de Libreville, grand donneur de leçon d’intégrité, vient de se faire pincer par la Cour d’appel de Paris qui a découvert qu’il avait financé en 2012 son voyage de noces en Afrique du Sud grâce à de la corruption.
« Les donneurs de leçons sont souvent ceux qui ont des choses à se reprocher. » Prononcée par le conseiller spécial et porte-parole de la présidence de la République à la faveur de sa conférence de presse, lundi 31 mai 2021, cette phrase définit dans les traits les plus fidèles certains acteurs politiques gabonais, particulièrement ceux se réclamant de l’opposition. Mais plus encore ceux ayant occupé de hautes fonctions publiques durant des décennies. C’est le cas de Jean-François Ntoutoume Emane.
Ancien chef du gouvernement, « Jacky mille diplômes » a surtout bien profité de son passage à la tête de la commune de Libreville. Devenu au fil du temps un des plus virulents contempteurs du pouvoir après l’avoir lui-même exercé, l’ancien s’est révélé être le contraire de ce qu’il prétendait jusque-là : un exemple de probité. Dans le cadre de l’affaire ayant opposé l’État gabonais aux sociétés Webcor ITP et GML, la Cour d’appel de Paris vient de démontrer qu’il a usé de corruption, notamment pour le financement de son voyage de noces en Afrique du Sud, 9 ans plus tôt.
Considérant les différents documents exhumés par la Cour, ilressort clairement qu’au cours des négociations avec WebcorITP pour l’attribution du marché lié à la construction de l’hypothétique Grand marché de Libreville, Jean-François Ntoutoume Emane avait écrit, le 30 août 2012, à la société maltaise pour lui réclamer son « cadeau de mariage » qu’il avait fini par recevoir le 15 septembre 2012.
« Ce »cadeau de mariage » comprend plusieurs billets d’avion en «Business Class» pour des trajets entre Libreville, Johannesburg, Durban et Cape Town pour le maire et son épouse, un service d’accueil VIP personnalisé, ainsi que le coût des séjours hôteliers à Cape Town à l’Hôtel Twelve Apostles, en «Suite Double avec petit déjeuner inclus et Arrangement spécial Lune de Miel »Heaveny Honeymoon Package » », précise l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, qui ajoute que les doléances de l’ancien maire «ont été entièrement prises en charge par [Webcor ITP] ».
Ainsi, grand donneur de leçon, Jean-François Ntoutoume Emanes’est servi de sa position pour exiger des avantages personnels avant d’accorder le contrat aux deux sociétés. Ce que la Cour d’appel de Paris définit comme un « pacte corruptif ». Ce qui a d’ailleurs contribué à faire gagner le Gabon dans son litige contre ces deux sociétés qui lui réclamaient un total de 92 millions d’euros.