L’affaire Guy-Nzouba-Ndama continue de faire grand bruit. Pour preuve, un activiste congolais au nom de Jo Washington Ebina qui a récemment été interviewé sur les antennes de RFI n’est pas allé de main morte au sujet de ce scandale. Pour lui, il est totalement inadmissible que les autorités de son pays dépensent des sommes folles pour financer les activités politiques des personnalités étrangères alors que le peuple congolais continue de croupir dans la misère. Ci-dessous, l’intégralité de l’interview.
RFI : Qu’avez-vous ressenti en voyant l’opposant gabonais Guy Nzouba-Ndama quitter le territoire congolais avec l’équivalent de 2 millions d’euros en petites coupures ?
Joe Washington Ebina : J’ai pensé à une population qui souffrait. J’ai pensé à une réalité congolaise qui est désastreuse. C’est incroyable de concevoir que les autorités congolaises nous parlent au quotidien d’une crise financière. Ils nous disent entreprendre des accords avec la Banque mondiale et autres pour chercher des fonds. Il n’y a même pas d’ambulances dans les villages. Il n’y a même pas de centre de dialyse qui coûte à peine 150 à 200 millions. Et l’on voit un individu qui sort, comme ça, sans explications. Pour nous, c’est un scandale. Finalement, c’est une indifférence à la misère des Congolais.
Qu’est-ce qui vous fait penser que Guy Nzouba Ndama a pu toucher cet argent des autorités congolaises ?
Cet argent est une somme très importante. Aujourd’hui, être capable de sortir autant d’argent et sans être inquiété, parce qu’il faut aussi avoir aussi une certaine assurance de sortir avec autant d’argent, avec des valises d’argent. Donc c’est justement le transfert d’argent qui pose problème. Dans le fond, nous sommes sûrs que les banques congolaises font ce genre de transaction surement régulièrement, presque au moins tous les jours. Mais cette manière de sortir de l’argent, avec des valises d’argent, sur des routes, comme ça. Avec quelle sécurité ? Avec quelle assurance ? Cela pose problème.
Guy Nzouba Ndama a été entendu par le procureur de Franceville au Gabon. Il est notamment accusé d’intelligence avec une puissance étrangère. Y a-t-il des choses qui doivent être clarifiées côté congolais ?
Obligatoirement, cet argent vient du Congo. Cela fait déjà quatre jours, mais le gouvernement congolais n’a pas donné d’explication. Nous demandons qu’il y ait une explication du gouvernement. Parce qu’il faut expliquer à ces pauvres Congolais, à ces retraités qui ne touchent pas leur pension pourquoi il y a autant d’argent qui circule pendant qu’eux n’arrivent pas à vivre correctement. C’est un scandale pour nous. Et nous demandons qu’il y ait une explication judiciaire à ce sujet. Je crois que les Congolais, qui sont d’abord les premiers concernés, doivent savoir d’où vient cet argent. Au niveau du Gabon, ils ont leur travail à faire, mais cela nous importe très peu parce que, la vérité doit venir de l’origine de l’argent. D’où vient cet argent ? Si ça sort du Trésor Public congolais, nous devons le savoir.
Guy Nzouba Ndama, lui, dit qu’il s’agit d’argent qu’il aurait gagné pendant l’époque où il était aux affaires au Gabon.
La manière de transférer cet argent est une manière qui n’est pas crédible, qui est floue. Pour nous, si cette justification doit être légale, elle doit donc passer par des institutions financières reconnues. À ce moment-là, il n’y a aucun problème. Mais conduire de l’argent de la sorte, transporter de l’argent sur les routes des deux pays de la sorte, pour nous, cela montre justement qu’il y a un problème. Nous voulons que les autorités de Brazzaville nous expliquent pourquoi et comment. Il faut donner des explications à notre peuple qui souffre au quotidien. Vous savez, au Congo-Brazzaville, il y a beaucoup de gens qui n’arrivent pas à obtenir des passeports, simplement des cartons de passeports. Parce que l’on dit qu’il n’y a pas d’argent. Parce que l’on dit qu’il n’y a pas les machines. Mais cet argent aurait pu servir à énormément de situations, ici, au Congo.
Mais qu’est-ce qui aurait pu pousser le président Sassou-Nguesso à financer un opposant gabonais ? Quelles sont les relations entre les deux chefs d’État ? Le climat a-t-il changé depuis les liens familiaux qui étaient forts entre le président Sassou-Nguesso et Omar Bongo ?
Nous n’avons évidement pas les informations, je crois qu’il faudrait lui demander. Les relations internes entre les deux présidents ou entre la famille présidentielle et tout le reste, ce sont des relations, malheureusement, qui ne nous concernent pas à l’heure actuelle.
Dans cette affaire, la surprise de certains n’est-elle pas hypocrite ? La circulation des valises pour financer les oppositions des pays voisins n’est-elle pas une vieille histoire dans la région ?
Oui, les populations ne sont pas dupes. Tout le monde sait que c’est une vieille histoire, mais il y a une fin à toute chose. Nous sommes heureux de constater que, pour la première fois, il y a une visibilité sur un scandale. Les populations arrivent aujourd’hui à constater qu’il y a un jeu qui se fait, qu’il y a une réalité que nous ne voyons pas. Je crois que c’est aujourd’hui, une réalité qui est visible. Le président de la République est en fonction depuis plus de 40 ans donc, imaginez ce genre de trafic qui existe depuis de longues années. C’est inadmissible, incompréhensible. Donc, des explications doivent être fournies pour au moins apaiser et faire comprendre à tous ces étudiants congolais qui sont à Cuba, qui n’arrivent même pas à toucher plus qu’un peu d’argent pour survivre. Le Monde a beaucoup changé, les règles de transparence ne sont plus les mêmes.