Il est le « numéro 2 de la République », le plus proche des proches du président. Mais des indices font dire à la justice qu’il a peut-être pu se rendre coupable de « prise illégale d’intérêts ». Retour sur une affaire de famille qui pourrait déboucher sur un scandale d’État.
Depuis le début de semaine, la Macronie doit songer à la maxime de Jacques Chirac : « Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille. » Lundi, alors que le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, est renvoyé devant la Cour de Justice de la République, accusé d’avoir profité de sa fonction pour régler des comptes avec des magistrats (ce qu’il réfute), l’annonce de la mise en examen pour « prise illégale d’intérêts » d’Alexis Kohler, le puissant secrétaire général de l’Élysée, fait l’effet d’une bombe.
Près de quatre ans et demi après les premiers articles de presse et les plaintes déposées par Anticor, l’association de lutte contre la corruption, l’« affaire Kohler » aboutit aux premières avancées judiciaires notables. Le haut fonctionnaire est aussi placé sous statut de témoin assisté pour « trafic d’influence ».
L’affaire concerne des supposés arrangements qu’aurait permis Alexis Kohler entre l’Etat et l’armateur italo-suisse MSC, au moment où il était directeur du cabinet d’Emmanuel Macron au ministère de l’Economie et des Finances, entre 2014 et 2016. L’entreprise MSC, client important des « Chantiers de l’Atlantique », basés à Saint-Nazaire, est dirigée par les cousins de la mère d’Alexis Kohler, la famille Aponte, d’où les soupçons de conflits d’intérêts entre vues familiales et professionnelles.
En juin 2018, le parquet national financier (PNF) avait ouvert une enquête, après que l’association Anticor – spécialisée dans la lutte contre la corruption – a déposé plusieurs plaintes. La brigade de répression de la délinquance économique avait alors rédigé deux rapports contradictoires. En juin 2019, on pouvait lire qu’Alexis Kohler n’avait « pris aucune mesure pour organiser un déport formalisé », quand, un mois plus tard, le même enquêteur disait l’inverse.
Cet imbroglio avait été perçu par l’association Anticor comme une volonté de l’Etat de s’immiscer dans le pouvoir judiciaire. Elle avait donc déposé une nouvelle plainte en juin 2019, en se constituant partie civile. Celle-ci a donc mené à cette mise en examen. Malgré ce rebondissement, l’Elysée a confirmé, ce lundi, le secrétaire général dans ses fonctions. Dans un communiqué, l’avocat d’Alexis Kohler a déclaré que son client « contestait avec force avoir commis tout délit », et que la suite de la procédure allait « lui permettre de démontrer son innocence ».