Bénéficiant d’un panel d’experts en médecine traditionnelle et de plusieurs spécialistes de la pharmacopée avec lesquels des échanges sont en cours pour aboutir à une solution locale permettant de soigner la Covid-19, le gouvernement a fait le choix de ne pas se précipiter dans la commande du Covid-Organics, la solution malgache élaborée à base de l’Artemisia. Des zones d’ombre justifient cette position des autorités gabonaises. On vous explique.
Présentée au monde en avril dernier comme le remède miracle contre la Covid-19, la Covid-Organics est sans conteste une fierté pour l’Afrique en ce que le continent montre qu’il est lui-même capable de trouver des solutions aux problèmes auxquels il est confronté, notamment en termes de santé. Élaborée par les chercheurs de l’Institut malgache de recherches appliquées (IMRA), cette tisane faite à base de plantes médicinales ne suscite pas non plus l’émoi de tous les pays de l’Afrique, tel que le Gabon, et ceci pour des raisons précises.
Pas d’essais cliniques, donc efficacité contestée
Venté par le président malgache Andry Rajelina, plus d’un mois après son élaboration et sa distribution aux populations, on n’en sait finalement pas beaucoup sur les véritables vertus du Covid-Organics. Jusqu’à sa composition est encore mystérieuse, alors que Madagascar s’apprête à en déposer le brevet au niveau international. Or, jusque-là, ce médicament supposé rentrer dans le traitement du coronavirus n’a pas encore fait l’objet d’essais cliniques. Son efficacité se voit donc ainsi contestée.
Pr Marielle Bouyou, agrégée en biologie, a d’ailleurs expliqué, mardi 12 mai à Libreville, qu’il s’agissait de l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement, et notamment le Copil Coronavirus, refusait d’accorder son blanc-seing à ce médicament malgache.
«Les preuves scientifiques doivent être générées, que ce soit par l’extérieur ou par le Gabon, afin de pouvoir valider ou non le Covid-Organics. Quand on dit preuves scientifiques, il s’agit de preuves d’essais sur le virus, mais aussi des preuves sur le manque de toxicité du produit», a justifié la présidente du comité scientifique de lutte contre le coronavirus au Gabon.
L’Artemisia, cette plante antipaludique
Bien connue du monde de la médecine traditionnelle au Gabon et dans d’autres pays du continent depuis qu’elle a été ramenée de Chine, l’Artemisia annua est utilisée depuis plusieurs années dans le traitement du paludisme. Pour ce faire, l’artémisinine, son principe actif, doit être combiné avec d’autres plantes.
Or, en avril 2019, l’Académie française de médecine émettait déjà des réserves quant à l’utilisation de l’Artemisia seule pour traiter des infections. L’utilisation de cette plante seule, en poudre ou en tisane, affirmait l’Académie, n’a aucune garantie d’efficacité et risque d’aggraver l’émergence de formes résistantes de la maladie.
Une solution gabonaise est préconisée
Ayant relancé les réflexions avec la communauté scientifique et médicale gabonaise, dont il attend les propositions, le gouvernement gabonais veut plutôt croire en une solution locale contre la Covid-19. «Notre pays ne peut rester en marge du mouvement africain de recherche d’une solution interne à cette pandémie. Il nous faut mobiliser toutes les intelligences contre l’ennemi commun», a déclaré Julien Nkoghe Bekale, lors de sa rencontre, le 2 mai 2020, avec ces experts.